La part de l'autre

Publié le par kiaora


Ce qui suit, ne vous méprenez pas, n'est pas une éloge, mais une analyse très fine et personnelle de l'auteur.
On en reparle après l'extrait...Warning: certains mots ou langage de ce texte peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes..ou des prudes!

"D'abord il se fait désirer.[...]
Le jour dit, il met en scène son apparition.[...]
Il bouge, vite.Ses gestes sont précis, nerveux.Il sait qu'il doit surprendre par son énergie.[...]
Il est là. Il fait face à la foule. Ce ne sont encore que les préliminaires.

La foule est une Femme; La femme est longue à venir; Hitler est un grand amant parcequ'il est encore plus lent qu'elle.
Dès le départ il livre des arguments, des idées, mais il donne peu. Il traîne. Il retient. Il veut créer l'envie de la foule. Il garde ses assauts pour plus tard. Par contre lorsqiu'il s'échauffera, il sera fort, bandant, inépuisable.

En amour on appelle ça un étalon; en politique, un démagogue. Le secret de la réussite, c'est de ne penser qu'à la jouissance de l'autre.

Hitler commence à faire frémir la foule. Elle applaudit. Il l'attise, la laisse faire, la retient [...]. Il va et vient, il se retire, enlèv son baillon: elle exulte.
Il va. Il insiste. Elle suit. Elle crie. Il continue. Elle gémit. Il accélère. Le coeur s'emballe. Elle jouit.

Elle est convaincue. Elle a compris. Personne n'est meilleur. [...] Il fait d'elle ce qu'il veut.
Il est son présent, son avenir car il est déjà son meilleur souvenir.

Elle jouit encore, et encore, et encore.
Et pendant qu'il la laboure elle lui promet tout ce qu'il veut. Oui. Avec toi. Plus sans toi. Jamais.
Il se retire d'un coup et disparaît.
Elle a subitement mal.[...]
Oui c'est promis il reviendra.[...]

Il fait jouir la foule mais lui n'a pas joui.
Il la méprise pour avoir joui si facilement sans que lui ait joui.
Et dans le mérpsi, il se sent supérieur.
Et dans ce mépris, il garde le pouvoir.
Et dans sa frustration, il trouvera la force de recommencer une heure plus tard.

                                             Eric Emannuel Schmitt, "La part de l'autre".

Surprenant n'est ce pas?

Quelle idée géniale que cette supposition: quel serait le monde d'aujourd'hui si Adolf Hitler n'avait pas été recalé à l'école des beaux-arts de Vienne en 1908 ?

Quelle idée audacieuse que de nous faire vivre en alternance (toutes les trois ou quatre pages) la vie d'Adolf H. ( vie imaginaire d'Hitler ayant réussi son entrée aux beaux arts) et celle d'Hitler (la vraie celle là...).

Ce livre, c'est une réflexion intense et intelligente sur ce qu'il ya au fond de nous...et les choix que l'on fait en conséquence.

Pas d'escuses pour Hitler, c'était un malade, mais jusqu'à quel point sommes nous bienfaisant ou malfaisant, et si tout cela n'était qu'une question de point de vue?

J'ai rarement lu un livre aussi captivant et intense...et cerise sur le gâteau, c'est souvent comique, jamais ennyeux et profondemment perturbant!!

Du coup, en ce moment sur ma table de chevet....il n'y a que du E.Orsenna et du E.Emannuel Schmitt...

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